Acheter de la tanzanite en Tanzanie, une bonne affaire ?

Interview de Laurent Baty, ancien DG d’un grand joaillier de la rue de la Paix

Fred : Laurent, peux-tu nous décrire la tanzanite en quelques mots ?

Laurent : La tanzanite est une pierre rare, extraite uniquement en Tanzanie, d’où son nom. Sa couleur est le bleu, parfois très profond et velouté (on parle de velours), parfois plus clair, toujours teinté d’un beau violet, uniforme, plus ou moins perceptible sauf en pleine lumière du jour (mais pas trop intense, et plutôt jaune, jamais blanche). La tanzanite  est une pierre qui se porte avec soin, car elle est fragile et peut se rayer, mais se polir aussi. Elle est parfois confondue avec le saphir, bien que totalement différente (cristallisation, transparence, multitude de couleurs, dureté…). Elle est aussi parfois appelée Diamant Bleu, dont elle est tout autant éloignée. 

F. : Est-ce une pierre précieuse utilisée chez les grands joailliers ?

L. : Hélas, je dirais… la tanzanite  est peu utilisée par les grands joailliers qui lui préfèrent les pierres dites précieuses, appellation réservée aux quatre gemmes mythiques que sont le diamant, le rubis, le saphir, et l’émeraude,lesquelles sont plus faciles à vendre parce que connues de tous, et donc rassurantes. La tanzanite  fait partie des pierres dites semi-précieuses – également appelée pierres « fines » – au même titre que l’améthyste, le péridot ou la tourmaline par exemple. Avec le temps, ce distinguo précieux/semi-précieux a plus ou moins disparu sous l’influence des Anglo-Saxons qui ne font pas la différence, et le considèrent même trompeur.  

Pierres taillées de tanzanite

F. : Peux-tu nous donner une idée de prix pour une pierre non montée ?

L. : Lorsqu’on entre dans le monde merveilleux des pierres de couleur, aucune règle ne prévaut vraiment, aucune. Le prix est déterminé par la forme et la taille certes, mais aussi et avant tout par la couleur. Une tanzanite  atteint facilement plusieurs centaines d’euros par carat, voire même 1 000€ et plus. Mais il restera toujours très en deçà de celui d’une pierre précieuse de poids/forme/couleur comparable. 

F. : Comment choisir une tanzanite ?

L. : On ne choisit pas une pierre uniquement en fonction de critères rationnels, comme sa forme ou les proportions de sa taille. L’acheteur doit toujours choisir au regard de ses propres goûts et de l’usage qu’il veut en faire, du rendez-vous amoureux qu’il célèbre, de la fascination que la couleur exerce sur lui, de la façon dont la pierre sera portée, en bague ou en broche… Le juste prix dépendra de cet ensemble de critères indéfinissables et très personnels, mais aussi tout de même, des compétences du vendeur, et de son honnêteté. 

Sinon, attention aux arnaques qui sont nombreuses et impactent nécessairement le juste prix à payer, en tenant compte notamment du point suivant : au fil du temps, des siècles et des millénaires, sous l’effet de la chaleur intense des entrailles de la Terre, la pierre gagne sa couleur naturelle. Mais des procédés modernes de technique de chauffe, très sophistiqués – à quelques degrés près, la pierre explose – permettent d’accélérer ce travail de la Terre, de faire jaillir la couleur, de l’accentuer, au point de transformer le banal en sublime… Devenues superbes, certaines pierres chauffées par l’homme n’en sont pas moins présentées par leurs vendeurs au prix fort des naturelles, qu’elles ne sont pourtant plus.

Vendeur de tanzanite à Arusha

F. : Le prix élevé de la tanzanite est-il justifié ?

L. : Plus une tanzanite est belle, et plus son prix est élevé, sans pour autant jamais atteindre le prix d’un saphir, et encore moins celui d’un diamant de couleur. Par extension, le prix d’une tanzanite reste toujours très raisonnable.

F. : Faut-il profiter d’un voyage en Tanzanie pour acheter un « diamant bleu » ? 

L. : Oui, indiscutablement il faut profiter d’un séjour en Tanzanie pour acheter une tanzanite, mais à condition de s’entourer de précaution, de garantie et de certificats.Garder toujours en mémoire l’histoire de cet acteur très célèbre, qui rentre d’un tournage en Colombie, se précipite Place Vendôme, et montre ses acquisitions à Bogotá, ardemment négociées au meilleur prix. Trois sublimes émeraudes que les vérifications d’usage décriront le lendemain comme de simples bouts de verre…

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